Afrique / Brésil : L’enthousiasme que suscite, le retour au pouvoir de Lula sur le continent Africain
Le retour au pouvoir du président brésilien Luiz Inacio da Silva, dit « Lula », a été accueilli avec enthousiasme en Afrique où on espère une dynamisation des relations afro-brésiliennes malmenées par les années Bolsonaro.
A plus de 6000 kilomètres du Brésil, le résultat de la présidentielle donnant Lula gagnant du scrutin avec 50,9% contre 49,1% à son rival, Lair Bolsonaro, a été accueilli avec ferveur et enthousiasme. Pendant son mandat de cinq ans, le président sortant n’aura jamais pas mis pied une seule fois en Afrique. Cela explique aisément pourquoi, dans une très grande partie du continent, sa chute a été vécue comme une délivrance.
En revanche, Lula, qui lui succède après avoir dirigé le Brésil entre 2003 et 2011, est considéré comme l’artisan de l’ouverture du Brésil à l’Afrique. Pendant ses deux premiers mandats, Lula aura effectué 11 voyages officiels en Afrique, parcourant 25 pays . Le président élu du Brésil a ouvert ou rouvert au moins 19 ambassades et consulats du Brésil en Afrique.
Pas seulement dans les pays lusophones. En effet, le réseau diplomatique brésilien s’est élargi à de nombreux Etats francophones, anglophones et arabes, allant du Gabon à l’Afrique du Sud en passant par l’Algérie, le Soudan, le Kenya, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe. A Brasilia même, le président Lula a remanié le ministère des Affaires étrangères pour donner plus de poids à l’Afrique en créant trois divisions dans une direction spécifique dédiée au continent.
« De toute évidence, Lula a été, de tout point de vue, le président brésilien qui a le plus œuvré au renforcement des relations entre le Brésil et l’Afrique. Il a compris très vite que le Brésil et l’Afrique ont un lien spécifique tissé non seulement par leur histoire commune mais aussi par leur appartenance au Sud global », soutient la politiste béninoise Anoko Anice-Lawson-D, Chercheuse à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris).
Outre le renforcement du réseau diplomatique, Lula a redynamisé les échanges économiques entre le Brésil et l’Afrique. Entre 1996 et 2006, les exportations du Brésil vers l’Afrique ont augmenté de 478%, passant de 2,6 milliards à 8 milliards de dollars. Globalement, le volume d’échanges commerciaux entre l’Afrique et le Brésil est passé 6 milliards à 15 milliards en 2006.
L’Afrique est ainsi devenue le quatrième partenaire économique du Brésil après les Etats-Unis, l’Argentine et la Chine. Des fleurons de l’industrie brésilienne tels que Petrobas et Noberto Odebrecht sont présents dans de nombreux pays africains dans les secteurs des hydrocarbures, des BTP, de l’extraction minière, de l’agro-alimentaire ainsi que des biens de service.
Après le Nigeria, le Brésil est la seconde nation la plus peuplée par une population d’ascendance africaine. Selon le recensement de l’institut brésilien de géographie et des statistiques de 2008, près de 50,64% de la population brésilienne est formée de noirs et métis descendants d’esclaves venus d’Afrique.
Partant de cette réalité, Lula a renforcé l’enseignement obligatoire de la Culture et de l’Histoire générale de l’Afrique, du niveau primaire au supérieur en passant par le secondaire à travers la loi numéro 10-638 du 9 janvier 2003.
« C’est un enjeu important que cette histoire soit racontée du point du sud global pas seulement sous le narratif de l’Occident. Une partie des enfants d’Afrique a été déportée au Brésil pendant la colonisation et l’esclavage. Dans ces discours, Lula revient beaucoup sur ces aspects-là », décrypte Mme Anice-Lawson-D.
L’enseignement de la culture et de l’Histoire générale de l’Afrique a été complétée par un programme de mobilité étudiante qui permet à des jeunes Africains d’aller au Brésil poursuivre des études universitaires de troisième cycle puis de rentrer dans leur pays.
Ainsi, des milliers d’étudiants africains venant notamment du Bénin, du Niger, du Togo du Nigeria, du Cap Vert, de l’Angola et du Mozambique ont pu étudier dans les universités brésiliennes grâce à des bourses du gouvernement fédéral brésilien. Le programme de mobilité des étudiants entre le Brésil et l’Afrique a eu pour effet d’inciter les Afro-Brésiliens à fréquenter eux aussi les bancs des universités, en y retrouvant les étudiants venus des pays africains.
Pour avoir déjà vu ses initiatives tous azimuts en direction de l’Afrique, beaucoup d’Africains et d’Afro-brésiliens s’attendent que son prochain, qui commence en janvier 2023, renforce les acquis des deux précédents et qu’il ouvre de nouvelles perspectives. Une des plus fortes attentes de la diaspora africaine au Brésil est, notamment, de voir s’ouvrir des lignes aériennes directes entre le Brésil et l’Afrique. Actuellement une des seules liaisons directes vers le Brésil au départ de l’Afrique est assurée depuis Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, par Ethiopian Airlines.
Sous réserve de rentabilité, des liaisons entre Cotonou et des villes brésiliennes ou entre Dakar et des villes brésiliennes pourraient être assurées. En raison de la proximité géographique, les bateaux transportant les esclaves africains partaient jadis vers le Brésil au départ de l’île de Gorée, au Sénégal, de Ouidah, au Bénin, ou de Cape Coast, au Ghana.
Si on ne doute pas que Lula voudra faire mieux que Bolsonaro en direction de l’Afrique, on observe toutefois que cette fois-ci sa marge de manœuvre est bien plus étroite que lors de ces premiers mandats. Vainqueur de son adversaire d’une courte tête seulement, il doit compter avec un Sénat et un parlement hostiles, en plus d’être partisans du « Brésil d’abord ! ».
« Il ne va pas oublier l’Afrique qui a joué important pendant sa campagne électorale et les Afro-brésiliens qui ont majoritairement voté pour lui », croit savoir la chercheuse béninoise.
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